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Le Conseil d’État rappelle les conditions de mise en jeu de la garantie décennale du maître d’ouvrage

Public - Droit public des affaires
26/04/2017
La Haute juridiction administrative rappelle, dans une décision du 19 avril 2017, que le maître d’ouvrage peut se prévaloir de l’effet interruptif du délai d’action de la garantie décennale d’une action en justice contre ses constructeurs, à la condition, d’une part, que celle-ci émane de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et d’autre part, qu’elle vise celui-là même qui en bénéficierait.
La communauté urbaine de Dunkerque a procédé à la réhabilitation d’un bâtiment, au cours de laquelle plusieurs constructeurs sont intervenus. Des désordres sont toutefois apparus sur l’immeuble en 2000. La société Debussche, avec qui elle avait conclu un bail commercial en juin 2000, a assigné la communauté le 19 septembre 2007 devant le tribunal de grande instance de Dunkerque aux fins d’obtenir le paiement de dommages-intérêts. Cette dernière a assigné pour sa part quatre des intervenants, en l’occurrence les maîtres d'œuvre, le contrôleur technique et la société chargée du lot couverture-bardage, le 31 décembre 2007 devant la même juridiction.

La communauté urbaine de Dunkerque, après rejet de sa demande par la Cour d’appel de Douai le 8 juin 2010, qui estimait qu’une demande relative à l’exécution d’un marché public relève de la compétence du juge administratif, a saisi les juridictions administratives afin d’obtenir la condamnation solidaire des quatre constructeurs intervenus dans la réhabilitation sur le fondement de la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l'égard des maîtres d'ouvrage publics.

Le Conseil d’État, saisi du pourvoi en cassation de la communauté urbaine de Dunkerque, commence par se fonder sur l’article 2244 du Code civil, aux termes duquel, dans sa rédaction alors en vigueur, « une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ».

Ainsi, en l’espèce, il était indifférent que l’action devant le juge civil n’ait pas été explicitement engagée à propos de la garantie décennale devant la juridiction administrative. Partant, il était seulement nécessaire que l’action vise le bénéficiaire de la prescription – à savoir les constructeurs - pour justifier de son effet interruptif. En effet, il n'appartenait à la Cour administrative d’appel « que de rechercher si cette assignation identifiait de manière suffisamment précise les désordres dont elle demandait réparation, émanait de la personne qui avait qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et visait ceux-là mêmes qui en bénéficieraient ».

Cette décision donne une nouvelle illustration de l’application du principe de la responsabilité décennale à l’égard des maîtres d’œuvre. Le Conseil d’État avait déjà exigé ces conditions pour l’action engagée par une commune à l’encontre de son assureur (CE sect., 7 oct. 2009, n° 308163, Société Atelier des maîtres d’œuvre ATMO et Compagnie les souscripteurs du Lloyds de Londres, Rec. CE tables 2009, p. 837 ; v. E. Glaser, Garantie décennale et interruption de la prescription, LCT-R, 120-88, n° 52, 1er déc. 2009 ).
 
Source : Actualités du droit