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La Cour de justice pose les canons des exonérations fiscales applicables aux édifices du culte

Public - Droit public des affaires
04/07/2017
Dans un arrêt du 27 juin 2017, la Cour de justice estime que le fait pour un État membre d’exonérer une congrégation religieuse de certains impôts, pour des travaux réalisés dans un immeuble destiné à l’exercice d’activités dépourvues de finalité strictement religieuse, est susceptible de constituer une aide d’État prohibée au sens de l’article 107 § 1 du TFUE si, et dans la mesure où, ces activités sont économiques.
 
Dans cette affaire, une congrégation de l’Église catholique espagnole a demandé le remboursement d’un impôt municipal, qu’elle a acquitté à l’occasion de travaux effectués sur le bâtiment d’une école ecclésiastique dont elle est responsable. Depuis un accord conclu entre l’Espagne et le Saint-Siège en 1979, l’Église bénéficie en effet de certaines exonérations fiscales.

En l’occurrence, les locaux étaient destinés d’une part, aux enseignements réglementés par l’État, financés intégralement par le budget public, et d’autre part, à des enseignements extrascolaires non subventionnés, dispensés en contrepartie de contributions financières. Or, une aide d’État est prohibée dans la mesure où elle s’applique à une activité économique.

Ainsi, s’agissant de cette condition, la Cour de justice relève que le bâtiment semble être exploité en partie d’une manière commerciale pour les cours non financés par les deniers publics, qui pourraient s’inscrire dans le cadre d’une activité économique (ce qu’il incombe au juge national de vérifier).

Par ailleurs, la jurisprudence européenne sanctionne les aides à l’aune des quatre conditions énoncées à l’article 107 § 1 du TFUE. S’agissant des deux premiers critères, la Cour relève que l’allègement confère à la congrégation un avantage économique sélectif et qu’elle implique une diminution des recettes de la municipalité et par conséquent, l’engagement de ressources d’État.

S’agissant des deux autres conditions tenant à l’affectation des échanges entre les États membres et la distorsion de concurrence, les juges du Luxembourg estiment que l’exonération pourrait avoir pour effet de rendre plus attrayante la fourniture de ses services d’enseignement par rapport à celle des services d’établissements également actifs sur le même marché. Ils relèvent cependant que l’aide en question est susceptible de bénéficier de l’exemption accordé en vertu du Règlement de la Commission n° 1998/2006 du 15 décembre 2006, aux aides n’excédant pas un plafond de 200 000 euros sur une période de trois ans (aides de minimis).

Enfin, la Cour écarte l’argument du gouvernement espagnol selon lequel l’accord a été conclu avant l’adhésion de l’Espagne à l’Union européenne, l’impôt en cause n’ayant été instauré qu’après son adhésion. Partant, elle estime que les exonérations litigieuses constituent des aides nouvelles qui doivent être notifiées à la Commission et ne peuvent pas être mises en œuvre sans son accord (a contrario des aides existantes, qui peuvent être régulièrement exécutées tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité).

L’Avocat général Juliane Kokott s’était fondé dans ses conclusions, sur l’article 17 du TFUE, qui impose à l’Union de respecter le statut des églises et de ne pas en préjuger – estimant que « la question [de la délimitation entre activité économique et activité non-économique] acquiert une dimension nouvelle dans la présente affaire, dans la mesure où elle touche ici, en fin de compte, la relation entre l’État et l’Église » - fondement que la Cour de justice ne reprend toutefois pas.
 
Source : Actualités du droit