Retour aux articles

Prestation compensatoire sous forme d’attribution forcée d’un bien : obligation du juge de vérifier la condition de subsidiarité

Civil - Personnes et famille/patrimoine
05/09/2018
Le règlement d'une prestation compensatoire sous forme d’attribution forcée d’un bien ou d’un droit d’usufruit ne peut être ordonnée par le juge qu'à titre subisidiaire, si les circonstances de l'espèce ne permettent pas de garantir le versement de cette prestation sous la forme d'une somme d'argent.
L'atteinte au droit de propriété qui résulte de l'attribution forcée de biens en capital ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit, en règlement d'une prestation compensatoire, prévue au 2 de l'article 274 du Code civil, ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d'intérêt général poursuivi – garantir la protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorisée – que si elle constitue une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation compensatoire en capital, de sorte qu'elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l'espèce, le versement sous la forme d'une somme d'argent prévu au 1 de l'article 274 ne peut être suffisamment garanti.

Telle était la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 juillet 2011 (Cons. const., 13 juill. 2011, n° 2011-151 QPC), et rappelée par la Cour de cassation dans une décision rendue le 4 juillet 2018, aux termes de laquelle elle censure les juges d’appel qui, pour imposer à l’ex-époux le règlement d'une prestation compensatoire par attribution de l'usufruit viager d'une valeur de 111 750 euros sur un immeuble donné en nue-propriété à leurs deux enfants et le versement d'une rente viagère d'un montant mensuel indexé de 800 euros, ont retenu l'âge, la santé précaire et les très faibles ressources de l'épouse ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins ainsi que l'absence d'argument sérieux opposé par le mari à cette attribution en nature, sans constater que les modalités prévues à l'article 274, alinéa 1, du Code civil n'étaient pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation.

Par Anne-Lise Lonné-Clément
Source : Actualités du droit