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Insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la médecine générale et inscription au tableau

Public - Santé
05/02/2019
Selon le Conseil d’État, le contrôle de l’insuffisance professionnelle et les mesures prises subséquemment conformément aux dispositions de l’article R. 4124-3-5 du Code de la santé publique, peuvent avoir lieu alors même que le médecin généraliste n’est plus inscrit au tableau.
Il est de principe, s’agissant de l’organisation des professions médicales, qu’en cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, une suspension du droit d'exercer peut être prononcée à l’encontre du praticien par le conseil régional ou interrégional, ce dernier étant saisi à cet effet soit par le directeur général de l'agence régionale de santé, soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national (C. santé publ., art. R. 4124-3-5, I).
Trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné doivent être désignés pour mener une expertise, ces experts procédant à l'examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien concerné. Le rapport d'expertise doit être déposé au plus tard dans le délai de six semaines à compter de la saisine du conseil, il doit indiquer les insuffisances relevées au cours de l'expertise, leur dangerosité et préconiser les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique. La suspension ne peut être ordonnée que sur ce rapport motivé (C. santé publ., art. R. 4124-3-5, II).

Mais si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre (C. santé publ., art. R. 4124-3-5, VI). Tel était précisément le cas dans la présente affaire.
En novembre 2017, le Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM), statuant en formation restreinte, prononce la suspension du droit du requérant d'exercer la médecine générale pour une durée d'un an et subordonne la reprise de son activité à la justification du suivi d'une formation de remise à niveau dans le cadre du diplôme interuniversitaire de médecine générale. Cette décision fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
 
Sur la légalité externe de la décision attaquée, le Conseil d’État rappelle que lorsque le CNOM examine, sur le fondement de l’article R. 4124-3-5 du Code de la santé publique, l'aptitude d'un praticien à exercer ses fonctions, la décision est de nature administrative. Cette décision doit être motivée et doit, par suite, indiquer les éléments de fait et de droit sur lesquels elle se fonde, mais elle n'est pas tenue de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par le praticien.
En l’espèce, il s’avère que la formation restreinte du CNOM s'est expressément appropriée certains constats et préconisations de l'expertise (menée selon la procédure précédemment décrite), en ce qui concerne les connaissances théoriques et pratiques du praticien concerné. Le Conseil d’État estime que contrairement à ce que soutient le requérant, le CNOM a dès lors suffisamment exposé les motifs pour lesquels il retenait que l’insuffisance professionnelle était de nature à faire courir un danger aux patients. Le fait que le CNOM ne réponde pas aux critiques dirigées contre l'expertise et qu’il ne prenne pas parti sur la possibilité, sollicitée, d'exercer la médecine du travail ne permet en outre pas de soutenir utilement que la décision était insuffisamment motivée.
Le recours exercé ne pouvait donc aboutir en ce qu’il critiquait les conditions de la procédure.
 
Sur la légalité interne de la décision attaquée, le requérant faisait valoir que le CNOM s’est prononcé à une date à laquelle il était constant qu’il n'était plus inscrit au tableau de l'ordre. Balayant cette critique, le Conseil d’État considère qu’il n’en résulte pas une méconnaissance du champ d'application de l’article R. 4124-3-5 du Code de la santé publique. La suspension pour insuffisance professionnelle peut donc être prononcée alors même que le praticien n’est plus inscrit.
Le requérant invoquait ensuite une méconnaissance des règles gouvernant la charge de la preuve. La formation restreinte du CNOM a en effet estimé qu'il ressortait des pièces du dossier et des échanges devant elle que le praticien n'apportait pas la preuve d'un maintien ou d'un perfectionnement suffisant de ses connaissances et qu’il présentait de graves lacunes tant théoriques que pratiques. Mais ici encore, le Conseil d’État écarte l’argument tiré du renversement de la charge de la preuve.
Enfin, toujours sur le fond, le Conseil d’État considère qu’il ressort des pièces du dossier qu'en estimant que le praticien présentait des insuffisances professionnelles dont la nature et l'ampleur rendaient dangereuse toute activité de médecin généraliste et qu'une mesure de suspension temporaire et totale du droit d'exercer cette discipline devait, par suite, être prise à son égard, la formation restreinte du CNOM a fait une exacte application des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du Code de la santé publique et n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit.
Partant, le requérant n’était pas fondé à demander l'annulation de la décision ; sa requête et ses conclusions au titre de l’article L. 761-1 du Code de la justice administrative sont donc rejetées.
Source : Actualités du droit